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Le marché de la résidence secondaire s’est effondré avec la crise de 2008. Qu’à cela ne tienne : les professionnels de l’immobilier marocain misent désormais sur la construction d’habitations subventionnées par l’État.

 

Les ruelles étroites de la Médina sont une des cartes postales les plus connues de Casablanca. Mais à quelques blocs des échoppes fréquentées par les touristes, les vieilles maisons branlantes du quartier historique de la capitale économique montrent aussi l’insalubrité d’une partie de l’habitat marocain. Un bidonville qui ne dit pas son nom, caché des regards par de hauts murs. Et la situation n’est pas exceptionnelle. Rabat, Tanger, Marrakech, Mohammedia, Kenitra, El Jadida… Toutes les grandes villes du Maroc renferment des poches d’habitations insalubres. Fin 2010, le déficit national en matière de logements était estimé à 840 000 unités.

Exaspérés, les Marocains vivent de plus en plus difficilement la situation. Face à la pression populaire, le roi Mohammed VI ne manque pas une occasion de montrer son souci de résoudre le problème. À preuve, ses visites sur les chantiers, comme le 30 mars dans le quartier de Sidi Moumen à Casablanca, pour la présentation d’un programme de logements sociaux du groupe Alliances. Des constructions qui se multiplient depuis la mise en place par l’État, en 2010, de mesures incitatives destinées aux promoteurs (exonérations de taxes et d’impôts) et aux acquéreurs (reversement de 40 000 dirhams, soit 3 500 euros, pour un appartement acheté 290 000 dirhams). D’ici à 2015, les pouvoirs publics visent la production de 300 000 habitations, sans compter celles réalisées pour résorber les bidonvilles (50 000 par an).

Bouffée d'oxygène

Loin de représenter un sacrifice pour la profession, les logements sociaux subventionnés constituent une bouffée d’oxygène pour un secteur malmené par la crise. « En 2005, les Européens achetaient des biens hors de prix, faisant gonfler la bulle. Mais en 2008, quand les promoteurs ont continué à livrer leurs programmes de résidences secondaires, dans les zones balnéaires ou à Marrakech, beaucoup d’acheteurs avaient disparu », explique Karim Tazi, directeur général adjoint du cabinet de conseil Lazrak Immobilier. Au mois de novembre 2010, la Fédération nationale des promoteurs immobiliers indiquait ainsi que 50 % des habitations de haut standing construites entre 2004 et 2009 à Marrakech étaient toujours disponibles, et que les baisses de prix atteignaient 40 %. Tanger aussi était touché par la crise, avec des prix en retrait de 25 %. « Nous avons pris une volée de bois vert », concède Karim Amor, PDG de Jet Group.

Autant d’acteurs qui retrouvent des couleurs sur le créneau des biens bon marché, au point d’en faire une de leurs activités principales. Le groupe Addoha en est le champion incontesté, avec 78 % de son chiffre d’affaires (663 millions d’euros) réalisés sur ce segment l’an passé, et le lancement de la construction de 75 000 logements sociaux. Le groupe Alliances, autre poids lourd de l’immobilier, loue lui aussi les vertus du social : « En 2012, ce type de logements représentera 50 % de nos revenus mais aussi de notre résultat », confirme Alami Lazraq, son PDG.

Il faut dire que les mesures prises par le gouvernement pour la période 2010-2020 assurent aux promoteurs une vraie visibilité et les incitent à diversifier leurs activités. Et même si la rentabilité est moins importante que sur des programmes haut de gamme, elle atteint tout de même entre 15 % et 20 %. De quoi attirer de nouveaux investisseurs : à la mi-mars, Palmeraie Holding, acteur d’abord connu pour ses programmes d’habitations de bon standing, a réalisé, tout en mettant en avant son implication dans le social, une augmentation de capital de 96 millions d’euros grâce à des fonds venus d’Abou Dhabi, du Koweït, mais aussi du Maroc.

De 50 à 100 m2, avec une ou deux chambres, les logements sociaux partent comme des petits pains, selon les promoteurs. « Nous en vendons jusqu’à 300 par jour », avoue Alami Lazraq. « L’engouement pour ce type de bien est tellement important que le marché des produits neufs entre 300 000 et 500 000 dirhams pourrait quasiment disparaître », confirme Allal Sekrouhi, wali (préfet) en charge des collectivités locales.

Prêts garantis

Autre avantage pour les promoteurs : ces programmes sont peu gourmands en trésorerie. Vendus sur plan, ils sont largement financés – jusqu’à 50 % – par les réservations des acheteurs. Pour compléter leur tour de table, les groupes immobiliers trouvent en outre un bon accueil du côté des banquiers, compte tenu du faible risque commercial des projets. Les établissements financiers bénéficient d’ailleurs eux aussi de l’explosion du logement social, en touchant une nouvelle clientèle de particuliers auparavant non bancarisés, notamment grâce au dispositif étatique Fogarim, qui garantit les prêts des populations modestes à hauteur de 80 % du prix du bien.

Reste que les réponses apportées par le Maroc au problème du logement soulèvent plusieurs craintes majeures. La première concerne la qualité des constructions. Une question d’autant plus légitime qu’en abaissant à 500 logements le seuil des programmes pouvant bénéficier d’une convention avec l’État, de petits promoteurs arrivent sur le marché du social. La seconde inquiétude est encore plus fondamentale : en construisant des centaines de milliers d’appartements, le plus souvent dans des zones périphériques, n’est-on pas en train de créer de futurs ghettos ? Du côté de Rabat, on se veut rassurant : le Maroc n’est pas la France des années 1960 et 1970.

Jeuneafrique.com

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