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- Publication : 11 novembre 2015
L'Usine Nouvelle a interrogé Hakima El Haite, ministre marocaine de l'Environnement en marge du colloque "France - Maroc : une histoire partagée, des défis communs" organisé le 9 novembre par l'Institut du Monde Arabe à Paris. Elle revient sur les préparatifs de la COP 21, en situe les enjeux et définit les objectifs de la COP22 qui se tiendra en 2016 à Marrakech.
A quelques jours de la grande négociation sur le climat COP21, les autorités françaises, Laurent Fabius en tête ont réuni à Paris à partir du 8 novembre, les ministres de l'Environnement d'une soixantaine de pays. Parmi eux, Hakima El Haite, ministre de l'Environnement du Maroc. Le royaume a livré en juin dernier ses engagements de réduction d'émission de gaz à effet de serre (-13% d'ici à 2030 par rapport à la situation actuelle), une feuille de route confirmée lors de "l'Appel de Tanger" sur le climat lancé par Mohammed VI et François Hollande lors de la visite officielle de celui-ci à Tanger fin septembre.
Le sommet de Paris présente de très forts enjeux pour Hakima El Haite et le Maroc car celui-ci accueillera la conférence des parties suivante, la COP22 à Marrakech en 2016. L'Usine Nouvelle a interrogé la ministre marocaine lundi après midi à l'occasion d'un colloque à l'Institut du monde arabe.
L'Usine Nouvelle : comment le Maroc est-il associé à la COP 21, la "conférence des parties" sous l'égide de laquelle vont se tenir le sommet de Paris sur le changement climatique fin novembre ?
Hakima El Haite : Le processus de préparation d'une COP est triennal. Puisque le Maroc organise la COP 22 en 2016 à Marrakech, nous avons été amenés à travailler sur la COP en 2015 et en 2017. Pour préparer la COP 21, nous avons donc été associés très tôt avec la présidence française [qui débutera juridiquement pour un an avec le sommet de Paris NDR] pour aller ensuite avec elle jusqu'à la COP22. Il s'agira aussi d'accompagner le pays qui va accueillir la COP l'année suivante. Par conséquent, nous sommes étroitement associés à la France pour mobiliser les partenaires, résoudre les problèmes ponctuels au niveau des négociations, fédérer autour de certains aspects car ces négociations sur le climat sont extrêmement complexes.
Est-ce que ça veut dire que vous Intervenez en soutien au travail de Laurent Fabius sur la préparation de la Cop21 ?
Absolument. Je fais partie de l'équipe de Laurent Fabius. Ecoutez, il faut que l'on réussisse à trouver un accord lors de la COP 21 de Paris. Comme vous le savez, c'est notre seul objectif. Certes, tout le monde en parle mais tous les pays n'ont ni les mêmes défis, ni les mêmes enjeux, ni les mêmes sollicitations. Ce qui complique la démarche. Réunir autour de la table 195 pays plus l'Union européenne et dégager une unanimité et un consensus, c'est très difficile. Voilà pourquoi le Maroc a un rôle important à jouer au niveau de certaines délégations africaines ou certains groupes de pays arabes.
Vous-même serez-vous à la COP 21 d'une manière permanente ?
Sur la COP 21, je serai effectivement présente tout le temps. En tant que ministre de l'environnement, je suis impliquée dans la COP 21, et même plus qu'impliquée !
Le Maroc s'est engagé à réduire de 13% ses émissions de Co2 d'ici à 2030. Avec la future centrale à charbon de Safi et la celle de Taqa Morocco qui monte en puissance, les émissions du royaume seront en très forte progression même si la part des énergies renouvelables monte avec une cible de 42% de la capacité électrique. N'est-ce pas trop ambitieux comme objectif ?
Attention, la centrale de Safi a vu un investissement de 4 milliards de dirhams c’est-à-dire 400 millions d'euros juste pour limiter ses émissions. C'est une des centrales au monde les plus avancées au niveau technologique et l'une des moins polluantes. Ceci juste pour vous donner un ordre de grandeur car c'est un point important.
Que voulez-vous dire ?
Ecoutez, je suis pour que l'on ne se mente pas. Le mix énergétique mondial en 2050 va encore comprendre des énergies fossiles, du charbon notamment et du nucléaire et bien sûr de plus en plus de l'énergie renouvelable, ce que chacun souhaite. Il ne faut pas se faire d'illusions. Ce que nous recherchons aujourd'hui, c'est d'avoir un équilibre carbone à travers le monde qui nous permet d'atteindre une neutralité carbone pour rester dans des zones de température adéquates.
Est-ce que les 13% que vous envisagez sont un objectif accessible ?
Les 13% de réduction sur lesquels s'est engagé le Maroc sont bien calculés et sont intégrés dans nos politiques publiques. Ce ne sont pas de simples propositions du ministère de l'Environnement vis-à-vis des différents ministères. C'est un engagement réel.
Et au niveau mondial ?
Il ne faut pas rêver. On continuera à développer des centrales à charbons mais il faut en parallèle continuer à développer les techniques de séquestration du carbone. Quand on peut faire du renouvelable, c'est magnifique mais vous ne pourrez pas faire de l'énergie renouvelable au Pôle nord. Il est nécessaire d'être réaliste au niveau de la vision mondiale.
La COP22 qui aura lieu à Marrakech sera-t-elle la concrétisation de la COP21 de Paris si un accord mondial est trouvé ?
L'un des objectifs de la COP22 sera de mettre d'abord en œuvre les outils de la COP21. L'autre sera d'impulser l'action au niveau de l'agenda pour aller plus loin au niveau de l'action. Nous voulons continuer la mobilisation du public mais nous aurons de nouvelles orientations pour la COP22 comme les choses qui ont manqué dans les COP précédentes. Nous allons annoncer officiellement le programme la COP22 au Bourget [lieu des négociations NDR] dans un espace consacré à cela.
L'Usine Nouvelle
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