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- Publication : 23 juillet 2018
La réforme de l'enseignement ne peut réussir sans la professionnalisation de la gestion des écoles. Le département de tutelle mise sur la généralisation du projet d’établissement pour rehausser la performance du système éducatif mais le pari n’est pas gagné d’avance car le concept n’est pas assimilé par tous.
La généralisation du projet d’établissement est l’un des objectifs fixés par la vision de réforme de l’enseignement pour rehausser la performance du système éducatif qui n’est pas encore à la hauteur des aspirations malgré les avancées sur le plan quantitatif. Bien que ce concept ne date pas d’aujourd’hui (il est apparu dès les années 80 du vingtième siècle), il n’est pas encore assimilé par tous. Concrètement, de quoi s’agit-il ? Le projet d’établissement est considéré comme un cadre méthodologique servant à activer les différentes approches et mesures visant à améliorer la qualité de l’enseignement et des apprentissages et de la vie scolaire. C’est un mécanisme opérationnel pour mettre en œuvre les réformes éducatives au sein de l’école. Tout établissement scolaire du primaire jusqu’au secondaire passant par le collégial se doit d’élaborer et de mettre en œuvre un projet de développement sur la base d’un diagnostic minutieux en vue de redresser les dysfonctionnements et se pencher sur les mesures nécessaires à même de donner un véritable coup de fouet à son rendement. Ce n’est plus un choix, mais une nécessité. À l’heure où il est urgent d’accélérer la cadence de la réforme du secteur en mobilisant tous les acteurs concernés notamment ceux qui agissent sur le terrain, la sensibilisation combinée à la formation des directeurs s’impose pour professionnaliser la gestion des écoles. Le ministère et les académies semblent être conscients de l’ampleur de ce défi. Depuis quelques années, le recrutement des chefs d’établissement se fait sur la base de l’élaboration et de la présentation d’un projet. Rencontré au siège de l’académie régionale de l’éducation et de la formation de Rabat-Salé-Kénitra, Mohcine Kmijane, candidat au poste de directeur de lycée, souligne l’importance d’une telle approche dans le développement du système éducatif à travers le renforcement de la gestion de l’établissement.
«Le projet d’établissement permet de détecter les points de force et de faiblesse afin de définir les priorités et lancer des actions qui doivent être suivies en vue de concrétiser les objectifs fixés et pouvoir rectifier le tir, le cas échéant», préconise-t-il. L’expérience démontre que l’implémentation du projet d’établissement permet d’améliorer les indicateurs scolaires. Tout dépend de la volonté du directeur d’école qui est appelé à fédérer autour de lui toutes les synergies nécessaires pour réussir la concrétisation des objectifs escomptés.
En effet, la réussite du projet est tributaire du recours à une approche de concertation avec les parents ainsi que les acteurs principaux de l’environnement scolaire, comme les organisations de la société civile, les élus, les autorités locales…Certains directeurs ont réussi à relever le défi même en milieu rural et avec peu de moyens financiers et matériels, comme le souligne le directeur de l’académie de l’éducation et de la formation de Rabat-Salé-Kénitra, Mohamed Aderdour. Désormais, il s’avère nécessaire de mobiliser ceux qui n’adhèrent pas pleinement à la vision de réforme qui nécessite une action collective. Tous les établissements doivent adhérer à cette dynamique. Dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, sur 1.080 établissements, quelque 1.013 ont présenté un projet en 2017/2018 soit un taux de 85,13%. Uniquement 861 projets ont été adoptés pour une enveloppe financière globale de 7.207.123 dirhams. Rappelons que l’impératif de l’amélioration de la gouvernance de l’enseignement figure parmi les recommandations phares de la Banque mondiale. Dans son dernier mémorandum sur le Maroc, cette institution estime que «la transformation de l’école passe par l’amélioration de la gouvernance du secteur, à commencer par la manière dont est géré l’établissement scolaire». Elle pointe du doigt le fait que les chefs d’établissement scolaire ne sont investis que de missions administratives et n’assument pas de responsabilités pédagogiques ou managériales. La révision des attributions et des responsabilités de tous les acteurs du système éducatif est une condition sine qua none pour rendre l’organisation plus efficace et plus réactive aux besoins des élèves. La banque mondiale plaide pour le renforcement du pouvoir de décision au sein de l’école, à condition que soient garantis les moyens humains, organisationnels et techniques, pour permettre d’augmenter les chances de réussite de l’élève. La transition vers l’indépendance de l’école est l’un des axes de la réforme. Le directeur devra devenir le garant de la qualité et de l’efficacité pédagogique au sein de son établissement.
Mohamed Aderdour
directeur de l’Académie régionale de l’éducation et de la formation deRabat-Salé-Kénitra
Le projet d’établissement sera généralisé
Les Inspirations ÉCO : Quelle est l’importance du projet d’établissement ?
Mohamed Aderdour : C’est un plan cadre élaboré par l’établissement en se référant à un diagnostic détaillé de sa situation en vue de rehausser son rendement. Si on arrive à bâtir le projet à partir des résultats des élèves et de l’analyse de leur vécu (situation familiale, leurs comportements, leurs expériences, acquis…), le plan sera construit sur de bonnes bases. L’approche doit être globale et basée sur la concertation entre le directeur de l’établissement, les acteurs pédagogiques, les parents, la société civile, les élus, l’autorité…Les enjeux sont de taille. Il ne s’agit pas d’une question de moyens. Parfois, l’école peut être bien bâtie et équipée, mais le rendement ou les valeurs ne sont pas au rendez-vous. Il arrive qu’un établissement soit dans un milieu défavorisé, mais sa direction montre une ferme volonté d’interagir avec le milieu scolaire en élaborant un bon projet d’établissement. Nous diagnostiquons les résultats des établissements pour revoir, le cas échéant, le projet des écoles à faible rendement.
Pourquoi cela n’est-il pas encore généralisé ?
On a commencé à parler du projet d’établissement depuis les années 80 du vingtième siècle mais au début, la notion du projet d’établissement était marquée par une grande déficience. Certains ont compris qu’il fallait construire un jardin ou créer une bibliothèque, d’autres ont estimé que l’objectif était de lutter contre le tabagisme…Quelques-uns lui ont plutôt donné un caractère commercial. Avec la charte, il est apparu clairement que le projet de l’établissement n’est pas d’ordre matériel ou commercial mais plutôt éducatif visant le rehaussement du rendement de l’établissement. Jusque-là, le projet n’est pas encore généralisé. Nous essayons d’atteindre l’objectif de la généralisation. 20% à 25% des établissements n’ont pas encore bien assimilé le concept du projet de l’établissement. On essaie de les mettre à niveau à travers la formation pour qu’ils puissent comprendre sa plus haute importance. Bien sûr, on ne peut pas faire le travail à leur place car le projet doit émerger de l’établissement grâce à un travail collectif. L’établissement qui ne dispose pas d’un projet n’est pas productif.
L’objectif n’est pas matériel mais ne pensez-vous que le financement est nécessaire pour atteindre les desseins escomptés ?
Le financement est nécessaire. Le ministère octroie aux établissements un budget qui peut atteindre 30.000 voire 50.000 dirhams par an, comme supplément dédié au projet de l’établissement. Cette subvention est soumise à un audit régulier. Il est à signaler que certains établissements ne dépensent pas ce budget quand le conseil de gestion de l’établissement manque d’idées et n’a pas de projet. Le projet marche à merveille dans certains établissements. Il y a des directeurs formés qui sont de vrais chefs d’établissement. Par contre, la direction n’est pour certains qu’un moyen pour se débarrasser de l’enseignement en classe et d’avoir un logement de fonction.
Quelle sera l’importance accordée à l’indépendance de ces établissements ?
Le système éducatif est national avec des objectifs communs entre les Marocains. L’indépendance devra être effective, dans le cadre de certaines limites de gestion et ceci pour pouvoir travailler et innover. En effet, il ne faut pas s’éloigner des objectifs nationaux généraux. Malheureusement, le concept de l’indépendance est mal compris par certains. L’indépendance est basée sur la concrétisation des objectifs. Je tiens à souligner qu’il ne faut pas confondre l’indépendance des établissements scolaires avec celle des universités. L’indépendance des établissements doit être basée sur des ressources financières régulières, la liberté de les gérer dans des limites définies ainsi qu’une grande marge d’action tout en prenant en considération le cadre national. Il faut élargir les attributions du conseil de gestion, mais il faut en premier lieu dispenser des formations.
L'économiste
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