Yawatani

C’est l’évènement de ces derniers jours. Challenge a accompagné et interviewé des joueurs de «l’ancienne école» pour découvrir le monde des gamers d’un nouveau genre. 

C’est un samedi soir, sur la côte d’Agadir, quand le soleil couchant, envoie ses derniers rayons de la journée. Deux enfants traversent la foule des estivants tardifs, slalomant entre les uns et les autres, dans une ambiance de fête foraine aux odeurs de beignets frits. «Tu l’as trouvé?», lance le premier, sans lever les yeux de son téléphone mobile. Youssef, commercial de 30 ans, qui l’observe du coin de l’oeil, lui lance : «bonne chasse», sans être entendu. Ce que lui fait remarquer Rachid, son compagnon de voyage pour ce week-end dans le Sud, cousin et casablancais comme lui. Ils sont descendus à Agadir, en passant par Marrakech, pour «chasser des Pokémons», comme le font nombre de camarades et d’autres jeunes et moins jeunes, de par le monde. De fait, ce jeu, date des années 90, inspiré d’un système de cartes, et ayant donné naissance à un dessin animé. Actuellement, les joueurs qui ont jusqu’à 40 ans, «renouent» avec leur enfance, en recherchant sur leurs téléphones, des monstres disposés aléatoirement, dans l’espace cartographique d’une ville.
«Plus il y a de connexions de téléphones mobiles, et plus l’endroit sera riche en Pokémons. Ce sont les grandes villes et les lieux touristiques, qui sont alors «meilleurs» pour la chasse», explique Mehdi, informaticien de 35 ans et «touché» par la fièvre Pokémon. Déjà, un groupe Facebook s’est formé, pour permettre l’échange d’informations. Amine Najjari, 33 ans, qui est derrière ce groupe, précise qu’il s’adonne à ce jeu depuis 1998. La communauté des adeptes du jeu, compterait un large éventail de participants, quelque 7000 recensés, qui vont des jeunes à peine âgés de plus de 10 ans à des adultes proches de la quarantaine. Mais au sein du groupe approché, ils ont plutôt la vingtaine, étudiants et mordus de la première heure.

Une communauté virtuelle

«Je suis un joueur «old school». Nombreux en effet, sont ceux qui s’y sont mis sur le tard. Par effet de mode», explique Hicham, 22 ans. Un des rares qui se plaint de l’isolation de sa ville, Mohammedia, par rapport aux grands centres, comme Casablanca. Quant à l’appellation «Old school», qu’en penseraient des joueurs plus âgés… «La communauté est sympathique et très polie. Ils échangent des astuces, parlent de leur passion et voient plutôt d’un bon oeil les nouveaux adeptes du jeu. Ce n’est pas du tout comme aux USA, où l’on arrive parfois aux mains, pour un Pokémon rare», analyse Samir, financier de 34 ans. Pour lui, Pokémon est à l’image des «geeks» marocains, de gentilles personnes bien éduquées, qui vivent dans un monde imaginaire.
Mais Pokémon prend des proportions différentes, presque sociales pour Abdelaziz, chauffeur de taxi: «une fois, j’ai pris des clients qui m’ont demandé de leur faire un tour de la ville, et particulièrement dans les lieux peuplés, et les endroits touristiques. Sans qu’à aucun moment, ils ne descendent de la voiture et ne regardent même pas par la fenêtre. Je voudrais juste qu’on m’explique ce qu’est Pokémon!» Interroge-t-il. Explications faites, cet enfant de la génération du dessin animé Grandizer, comprend mieux la passion des «chasseurs». Pour Omar, coiffeur, c’est différent: «c’est un coup à se faire agresser dans la rue, quand on se balade, un téléphone portable à la main.» Mehdi, notre informaticien, a fait cette expérience. Mais par chance, il n’avait pas son téléphone sur lui: «c’est le destin. Pokémon use la batterie et consomme beaucoup de ressources». Mais au final, les risques sont moindres comparés aux USA, où de véritables traquenards sont tendus aux joueurs…

Un jeu qui devient «politique»

Reda Chajry, 20 ans étudiant à Casablanca, analyse différemment le jeu: «les gens ne se rencontrent pas forcément. Pour rejoindre l’une des trois factions du jeu, il suffit d’atteindre le niveau 5 et de choisir une équipe. Ensuite, on se rend dans l’une des «gym», une arène, dans laquelle on combat pour son équipe. Mais cela change de mains rapidement. Dans les 20 heures généralement». Le jeune homme a atteint le niveau 13 en 12 jours et passe une à deux heures par jour à ce jeu . On est loin de l’addiction, mais déjà, on a des échos de jeunes, qui ont abandonné leur emploi, pour se faire dresseur de Pokémons: «je ne crois pas qu’on gagne de l’argent à ce jeu. A moins d’être youtubeur», pointe Reda, l’air moqueur. Dans sa réflexion, il ajoute de l’analyse statistique, à ses choix de jeux. Pour celui de son équipe, par exemple: «j’ai vu que la team «Instinct» avait 25% de joueurs de moins. Du coup, je me suis dit qu’il y aurait plus d’arènes à prendre».
Pour peu qu’on regarde à l’international, le phénomène est mondial. Même si le jeu n’a pas été lancé en Afrique, les équipes de ce continent ne se privent pas pour le télécharger. «C’est devenu politique depuis vendredi», explique Mehdi, notre informaticien. Il fait référence à l’évènement de ce dernier week-end: une arène a été ouverte sur les lieux d’un Mémorial aux soldats japonais de la Deuxième Guerre Mondiale, les Chinois ayant manipulé leur adresse GPS, ont «conquis» le «gym» et l’ont rendu presque «inattaquable». Signe des temps, la guerre est devenue virtuelle, et déjà, on anticipe sur l’avenir…

L’avenir, c’est la réalité augmentée

Mais Ayoub, commercial de 34 ans, voit les choses différemment: «je pense que c’est un complot». C’ est une thèse «fantastique», que l’on retrouve sur internet. Le jeu serait destiné à détourner l’attention. Les psychanalystes, eux, trouvent dans Pokémon Go, un «jouir maintenant», «voir le monde qui nous entoure avec des yeux nouveaux». Il est clair que cette dernière annonce, faite par une jeune femme, qui trouve un cadavre flottant, dans un lac aux USA en jouant, est loin de laisser indifférent…
Youssef, lui admet: «je sais bien que quelque chose ne tourne pas rond. Même si Nintendo n’a rien à voir avec le fait que Pokémon Go génère près de 10 milliards de dollars en deux jours, alors que c’est précisément la somme qu’il faut pour éradiquer la faim dans le monde, montre qu’il y a quelque chose qui cloche!»
Bilan du voyage de chasse? Un Abra, un Evoli (le Pokémon le plus célèbre du jeu après Pikachu) et un Caninos, en plus de plusieurs autres, moins rares dans le jeu, ou moins «puissants».
En fin de compte, cette immersion dans le monde de Pokémon, aura marqué cette virée dans le Sud du pays. Sur le chemin du retour, les quelques heures du voyage auront été monopolisées par les réflexions sur les Pokémons, sans pour autant occulter la politique internationale, ni la «réalité augmentée» qui «tue la réalité», censée changer le monde à venir. De là à se dire que lors d’ «évènements», des surprises peuvent impacter le déroulement du jeu et permettre à tous les joueurs du Monde, de «s’unir». De là à ce que tous les «dresseurs» deviennent des soldats d’un autre type, il n’y a qu’un pas. «Le sport c’est la guerre», et le sport électronique, c’est la guerre virtuelle. Mais là encore, seul l’avenir nous le dira. Il faut parfois plonger dans les «abysses de la Matrice», pour atteindre la «vérité»; donner un sens à la vie…

challenge.ma

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