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- Publication : 6 juillet 2015
La présidence tourne. Dalil Boubakeur quitte la présidence du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Après deux ans à la tête d’une institution sous les feux des projecteurs depuis les attentats de Paris, le recteur de la Grande Mosquée de Paris n’est pas mécontent de se voir enlever ce sacerdoce qu’il avait accepté de prendre en 2013 pour résoudre une crise politique entre le Maroc et l’Algérie qui s’importait à travers des fédérations musulmanes en France.
Petit retour en arrière. Chems-Eddine Hafiz, qui était le candidat attitré de la Grande Mosquée de Paris, proche de l’Algérie, avait en effet dû se désister face à l'opposition franche du Rassemblement des musulmans de France (RMF), lié au Maroc, avait-on révélé en 2013. En cause, l'appui du vice-président actuel du CFCM au Front Polisario, le mouvement indépendantiste du Sahara occidental, qui est source de tensions politiques entre les deux pays du Maghreb. Dalil Boubakeur, qui avait été le premier président du CFCM jusqu’en 2008, a dû se résoudre, à 72 ans, à prendre de nouveau la présidence et ainsi éviter à l’institution un énième blocage après l'adoption de nouveaux statuts en 2013.
L’islam de France à l’épreuve du contexte géopolitique
De communiqués en colloques, la lutte contre le radicalisme religieux fut le thème sur lequel le CFCM et ses membres se sont particulièrement penchés sous l'ère Boubakeur. Avant "L'Appel de Paris" en faveur des chrétiens d'Orient et le rassemblement à la Mosquée de Paris après l'assasinat d'Hervé Gourdel en septembre 2014, l’instance avait espéré marquer les esprits avec sa Convention citoyenne des musulmans de France pour le vivre-ensemble, lancée peu de temps après l'attaque du Musée juif de Bruxelles, qui avait impliqué le Français Mehdi Nemmouche. Mais le document, « historique », n’a pas eu les retombées escomptées et est vite tombé dans l’oubli faute d’être porté par la base, reconnaît Anouar Kbibech.
Les attentats de Janvier 2015 ont vu le débat sur la représentativité de l’islam de France devenir un sujet de préoccupation médiatique première, avec une soudaine remise en cause de l’efficacité du CFCM, contesté depuis longtemps par les musulmans mêmes. Ses dirigeants ont beau n'avoir eu de cesse – jusqu'à s'en agacer – de marteler que le CFCM est représentatif du culte musulman et non des musulmans de France, cette position n'est pas audible... La réponse des pouvoirs publics s’est matérialisée par la création d’une instance de de dialogue avec l'Islam, pour réunir un plus large panel d’acteurs que le CFCM, qui garde cependant le soutien de l'Etat. Une béquille offerte à cette instance boiteuse dont les responsables se plaignent régulièrement du manque de moyens nécessaire pour mener à bien ses projets.
La pauvreté du CFCM en évidence
Pour preuve, par souci d’économie, le CFCM a mis fin aux fonctions de Mohamed Timol, secrétaire administratif, en mars, déclare Abdallah Zekri, qui avoue son exaspération que l’instance ait dépensé « 20 000 euros » en frais d’avocats depuis 2013 pour des procès de « musulmans contre musulmans » lorsque des Conseils régionaux du culte musulman (CRCM) étaient assignés en justice en vue de contester les présidences. Des procès gagnés mais peu importe : c’est une sacrée somme qui aurait pu être autrement dépensée, par exemple pour des procès visant des actes et propos antimusulmans, aux yeux du président de l’Observatoire national contre l’islamophobie.
Cette structure, le bon point du CFCM ? L’Observatoire national contre l’islamophobie, intégré dans le paysage institutionnel, s’est considérablement renforcé depuis sa création en 2011 avec un Abdallah Zekri très actif pour dénoncer les dérapages publics visant les musulmans, au risque parfois d'égratigner le CFCM lors de déclarations fort remarquées. Dernièrement, en juin, ses cadres avaient été publiquement accusés de « trahison » lorsqu’ils ont finalement décidé d’assister à la réunion de l'UMP sur l'Islam. Un épisode oublié... ou presque. « Des lacunes existent mais plutôt que de critiquer le CFCM, faisons en sorte de l’améliorer », dit-il désormais.
Investir le terrain de la communication
Se préparant depuis des mois à prendre les rênes du CFCM, le président du RMF, qui organisait le 24 juin un iftar à Vitry-sur-Seine avec la mosquée de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) en présence de représentants du ministère de l’Intérieur, a accéléré le rythme de ses apparitions médiatiques.
Avec les 20 ans d’écart qui le sépare de Dalil Boubakeur, le directeur des systèmes d'information au sein de l'opérateur SFR, qui a reçu l'Ordre national du mérite en 2014, espère apporter un vent de fraîcheur au CFCM. Le chantier auquel il dit vouloir s’atteler : celui de la communication, car le CFCM « n'a pas suffisamment valorisé ses actions ». Réactualiser le site Internet a minima – il est laissé à l'abandon depuis mars –, certes ; mais le temps est venu d'« investir les réseaux sociaux », terrain sur lequel le CFCM est totalement absent… « Toucher les jeunes », veut Anouar Kbibech. Il lui faudra d'abord travailler, pendant ses deux ans de mandat, sur la crédibilité de l'institution auprès des musulmans de France. Un sacré challenge qui ne demande qu’à être relevé.
SaphirNews
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