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En octobre prochain au Togo, un sommet réunira pour la première fois Israël et des pays africains. L'occasion de se pencher sur les ambitions de l'Etat hébreu pour le continent.

Israël cherche à se rapprocher de plus en plus des pays africains. L’État hébreu espère avoir une voix sur ce continent où s’affrontent économiquement la France, les États-Unis, la Chine et la Turquie notamment. À l'été 2016, Benyamin Netanyahou avait visité plusieurs pays d'Afrique de l'Est. Une première pour un chef du gouvernement de l'État hébreu. En octobre 2017, le Togo, second partenaire commercial d’Israël sur le continent (après l’Afrique du Sud), accueille le premier sommet entre Israël et les pays africains.

Un appétit africain toujours plus grand

"L’intérêt d’Israël pour les pays africains n’est pas récent. Il remonte aux années 1950-60, au moment de la décolonisation", affirme Frédéric Encel, géopoliticien et spécialiste d’Israël et du Moyen-Orient, contacté par Telquel.ma. À cette époque, Golda Meir (ministre des Affaires étrangères de 1956 à 1966) manifestait cet intérêt en proposant aux pays africains fraichement indépendants une "coopération importante dans différents domaines notamment agricole, sécuritaire et économique", nous explique Alain Gresh, spécialiste du Moyen-Orient, directeur du site d'informations OrientXXI et ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique.

Israël a été refroidi lorsque les pays africains ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'État hébreu dans les années 1970, après la guerre du Kippour, par solidarité avec le peuple palestinien. Aujourd’hui, le contexte est différent. Cette solidarité n'est plus exprimée par la rupture des relations diplomatiques pour certains pays d'Afrique, d’autant plus que la seule organisation capable de dissuader les pays africains d'entretenir ces relations avec Israël "est en train de s’effondrer", estime Frédéric Encel. Pour lui, "avant, la ligue arabe pouvait dissuader les pays africains d’entretenir des relations diplomatiques avec Israël, mais aujourd’hui le monde arabe est géopolitiquement mort".

Israël dispose de 11 missions diplomatiques en Afrique. La tournée de Benyamin Netanyahou l’été dernier a permis de redonner de l'élan à la coopération avec les pays visités. Une main tendue que les dirigeants africains n'hésitent pas à saisir. Ainsi, le président rwandais déclarait en mars dernier que "le Rwanda est, sans question, un ami d’Israël (…) qui a le droit d’exister et de s’épanouir comme membre à part entière de la communauté internationale".

Pourquoi Israël cherche-t-il à tout prix à entretenir de bonnes relations avec les pays africains? Le chercheur béninois Maurice Mahounon, spécialiste des relations internationales, nous explique que l'État hébreu est "un des rares pays au monde dont tous les voisins sont des ennemis. C’est compliqué quand on veut être une puissance. À travers ce sommet, Israël veut compenser ce handicap et ne plus se sentir isolé".

Gagner la "sympathie" de tous les pays africains n’est pas une chose aisée pour l’État hébreu. Douze pays du continent ne reconnaissent toujours pas Israël en 2017. Malgré les opérations de charmes déployées par les Israéliens à l'adresse de ces pays, certains restent réfractaires aux avances de l'État hébreu. Il s'agit principalement des pays maghrébins et de ceux de la ceinture sahélienne.

Quand bien même un pays africain entretiendrait des relations diplomatiques avec Israël, il s'expose à la colère des représentants israéliens en manifestant un éventuel soutien au peuple palestinien. C'est le cas du Sénégal. Après le vote sénégalais en faveur de la résolution 2334 de l'ONU sur l'arrêt des implantations israéliennes en Palestine, Israël avait menacé le Sénégal de rompre ses relations diplomatiques. Cette résolution relative à la Palestine proposée par le Sénégal et d'autres pays avait été adoptée le 23 décembre 2016. Elle exigeait d’Israël "qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est".

Quels enjeux pour le sommet de Lomé?

Le prochain sommet de Lomé ne serait que "la manifestation d’une meilleure entente entre ces pays et Israël", affirme Maurice Mahounon. Une entente qui ne serait pas sans effet. Israël "garantirait la sécurité de ces pays africains qui ne sont pas à l’abri d’une menace terroriste ou d’un coup d’État", poursuit le chercheur béninois. Un avis partagé par Frédéric Encel qui estime qu'à travers cette rencontre, "Israël cherche à constituer un tissu diplomatique à l’ONU de telle sorte que la majorité hostile à ce pays soit de moins en moins importante". 

Israël serait le grand gagnant du sommet selon Maurice Mahounon, car ses rapprochements avec les pays africains placeraient légitiment l'État hébreu au niveau international. "Nous ne sommes pas dans une relation gagnant-gagnant, Israël est la partie qui gagne le plus dans cette histoire même si les pays africains sont également gagnants notamment en termes de sécurité. Israël leur assurera une sécurité sans pareil, et dans un continent ravagé par le terrorisme, elle est la bienvenue et surtout obtiendra une légitimité au sein de ces pays. Légitimité qui lui sera précieuse à l’ONU. Ce soutien, cette reconnaissance, cette légitimité de l'État hébreu aux yeux des pays africains n'a pas de prix et c'est en ce sens qu'Israël est la partie qui gagne le plus". La sécurité promise aux États africains pourra être assurée à travers deux moyens : la vente d’armes et les renseignements selon Maurice Mahounon. Des achats et des informations précieuses qui alimenteraient une dépendance croissante vis-à-vis de l'État hébreu de la part des pays africains selon le chercheur béninois.

Que des intérêts, pas d’amis

"À travers ce sommet, Israël cherche à s’imposer tout en contrecarrant la montée en puissance marocaine. Le Maroc se fera de plus en plus entendre et peut influencer les pays africains même au niveau diplomatique. Israël craint cette influence du Maroc. Israël verrait d’un mauvais œil le poids qu’est en train de prendre le Maroc sur la scène internationale. L’État hébreu redouterait l’influence susceptible d’être exercée par le Maroc. Il n'y a que des intérêts, jamais d'amis", affirme le chercheur béninois.

Une analyse qui n'est pas partagée par Frédéric Encel. Ce dernier estime qu'il n'y a pas de risque de disputes entre les deux pays au sujet de l’Afrique, car ils interviennent des secteurs d’intérêts différents: "Le Maroc se concentre davantage sur des secteurs financiers et industriels alors qu’Israël propose une offre qui n’empiète pas sur ces domaines".

 

telquel

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