Yawatani

À deux jours d’intervalle, le Maroc s’est montré avenant avec Cuba et ferme avec le Venezuela. Les deux pays d’Amérique du Sud sont pourtant tous les deux traditionnellement hostiles au Maroc sur la question du Sahara.

Le 21 avril à New York, le Maroc et Cuba signaient un accord "prévoyant le rétablissement des relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs". La veille, le ministère des Affaires étrangères marocain publiait un communiqué dans lequel il exprimait sa "grande préoccupation" face à la situation interne du Venezuela. Comme suite à une énième prise de bec entre les ambassadeurs marocains et vénézuéliens à l’ONU survenue le 18 avril, le Maroc "condamne vigoureusement la violation des droits politiques, économiques et sociaux dans ce pays". Pourquoi Cuba et le Venezuela, deux pays d’Amérique du Sud pourtant traditionnellement hostiles au Maroc sur la question du Sahara, reçoivent-ils un traitement différent de la part de la diplomatie marocaine, dans un si court intervalle?

"L’ouverture vers les autres et la fermeté face aux attaques sont les deux facettes d’une même logique," répond une source au ministère des Affaires étrangères. "Il s’agit de s’ouvrir, construire des ponts avec des pays qui n’étaient pas nos alliés, et aller dans des zones où le Maroc n’est pas attendu et tenter d’ouvrir le dialogue avec tout le monde," explique ce diplomate.

Action à Cuba…

À Cuba, en effet, le Maroc n’était pas "attendu". Les relations entre les deux pays avaient commencé à se détériorer lors de la "guerre des sables" en 1963 entre le Maroc et l’Algérie, où Cuba avait apporté son soutien à Alger. Le Maroc a rompu ses relations avec Cuba après la reconnaissance par La Havane de la RASD en 1980. Depuis, le Maroc ne dispose pas de représentation diplomatique sur l’île.

"Le contexte change, on ne peut pas rester sur des lectures du passé. Nous adoptons une démarche décomplexée, selon laquelle nous n’avons pas d’ennemis. C’est ce qui explique les ouvertures sur de nouvelles zones et pays. Aujourd’hui, la diplomatie passe à un autre cercle de pays, qui sont à priori plus durs d’accès pour le Maroc," poursuit notre source. "En élargissant le cercle de nos alliés, en développant des relations amicales et de dialogues avec des pays considérés comme les alliés de nos adversaires, nous mettons dans l’inconfort ces derniers", détaille-t-elle encore.

C’est ce que le ministère des Affaires étrangères appelle "la diplomatie proactive" voulue par Mohammed VI, et "ouverte sur de nouveaux partenaires et espaces géographiques", dans un communiqué, ajoutant que le souverain a donné des instructions pour l’ouverture prochaine d’une ambassade à La Havane. Mohammed VI s’est en effet rendu début avril en visite privée avec sa famille à Cuba. La presse avait alors déjà fait état de rencontres avec des responsables cubains et d’un possible rapprochement avec La Havane.

… réaction au Venezuela 

"C’est une approche utile qui a permis de clarifier les relations avec de nombreux pays. Si le retrait de la reconnaissance de la RASD est un objectif, il n’est pas un préalable. C’est le cas avec des pays comme l’Éthiopie, le Nigéria, la Tanzanie par exemple", explique le diplomate consulté par Telquel.ma. Cela n’empêche pas la diplomatie marocaine d’établir une ligne rouge… que le Venezuela a franchie. "Mais ça ne veut pas dire pour autant que nous acceptons tout. Quand le Maroc est attaqué, comme ce fut le cas par l’ambassadeur vénézuélien, nous réagissons", poursuit notre interlocuteur.

Le Venezuela conserve une ambassade au Maroc, dirigée par un chargé d’affaires, mais les relations entre les deux pays demeurent très froides. Le 18 avril, lors d’une réunion consacrée à la réalisation objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU, le représentant du Venezuela à l'ONU, Rafael Darío Ramírez Carreño demande à ce que "que la réalisation des ODD s’accomplisse en prenant en considération les territoires occupés, tels la Palestine et le Sahara". La réaction de son homologue marocain ne se fait pas attendre. Omar Hilale demande alors "si le représentant du Venezuela ne s’est pas trompé de réunion ou d’agenda en faisant allusion au Sahara marocain". Il enchaîne sur une diatribe contre le régime de Nicolas Maduro, affirmant que les femmes et enfants vénézuéliens ne mangent pas à leur faim et traversent "les frontières pour s’approvisionner en denrées alimentaires" ou "cherchent leurs nourritures dans les poubelles" alors que le Venezuela est le "pays le plus riche de la région avec son pétrole et son gaz". L’ambassadeur marocain s’en prend directement à son homologue vénézuélien en dépeignant son train de vie, "dans ses deux jets privés aux États-Unis et les pays des Caraïbes" à un moment où "son peuple ne trouve pas de médicaments pour se soigner".

Après le communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain condamnant "vigoureusement la violation des droits politiques, économiques et sociaux" au Venezuela, le gouvernement de Nicolas Maduro a réagi à son tour le 23 avril, et déclaré qu’il est "inadmissible"qu’un royaume "occupant un territoire soumis à un processus de décolonisation par les Nations Unies prétende donner des leçons et interférer dans les affaires internes du Venezuela". Une nouvelle réaction qui confirme bien qu’entre chérifiens et bolivariens, c’est bien le sable du Sahara qui met de l’eau dans le gaz.

 

telquel

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