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Depuis le début de l'année, pas moins de trois plans d'urgence ont été lancés par le gouvernement, annonçant la mobilisation de près de 15 milliards de dirhams. Que prévoient ces recettes de l'Exécutif? Seront-elles suffisantes?

C'est comme s'il y avait le feu dans la maison Maroc SA. Alors que les prix flambent, faisant redouter un bouillonnement du climat social, le gouvernement s'empresse d'agir en pompier pour tenter d'éteindre les foyers d'embrasement. Depuis début 2022, le cabinet Akhannouch annonce un plan d'urgence après l'autre, donnant l'impression d'ouvrir les vannes de l'argent public.

Face à la crise sociale provoquée dans le secteur du tourisme, des subventions sont destinées aux opérateurs et à leurs employés. Pour continuer d'assurer une alimentation rationnée en eau potable, les investissements hydrauliques vont s'accélérer. Quant aux agriculteurs, on compte leur garantir orge et crédits bancaires à volonté.

Si les mesures édictées sont évidemment salvatrices pour ces secteurs qui sont dans le marasme, leur efficacité reste à prouver et leur déploiement n'est pas toujours évident. Quant aux différents milliards annoncés, ils méritent d'être examinés de près et nuancés. Et si l'on s’attardait, alors, sur chacune de ces recettes d'urgence…

Eau: en attendant les 115 milliards

C'est au Parlement que Nizar Baraka a annoncé son plan d'urgence pour l'eau potable, cette ressource vitale qui commence cruellement à se raréfier dans le pays. Le programme consiste à débloquer plus de 2 milliards de dirhams pour des interventions sur les trois bassins hydrauliques les plus asséchés du Royaume, alors que le volume des précipitations s'est réduit de près de 70%.

Pour démontrer l'ampleur de l'effort mené par les pouvoirs publics, le ministre a donné l'exemple de l'accélération de construction des barrages fluviaux. Le gouvernement compte en achever 120 d'ici 2023, alors que «d'habitude, seuls huit barrages sont programmés annuellement», avait indiqué le responsable gouvernemental.

Néanmoins, le montant de 2 à 3 milliards reste insignifiant face à l'ampleur des investissements que nécessite le secteur de l'eau. C'est une goutte d'eau dans le vaste océan que constitue le programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l'irrigation 2020-2027, prévu pour un coût global de 115 milliards de dirhams, mais qui semble avancer au ralenti. «Le ministre ferait mieux de rassurer [l’opinion publique, Ndlr] sur l'état d'avancement et les capacités de financement de ce programme», explique un spécialiste du secteur.

Ce sont donc les investissements de cette feuille de route stratégique qu'il va falloir accélérer en urgence, notamment les plus coûteux. Il s'agit des différents projets de dessalement de l'eau de mer attendus dans les quatre coins du Royaume. La dernière station mise en service à Chtouka Aït Baha a nécessité 4,4 milliards de dirhams et quelque huit ans, entre études et travaux. Un délai trop long, qu'il va falloir raccourcir pour les futurs projets, notamment celui de la station de Casablanca…

Agriculture: merci le Fonds Hassan II

Suite à des instructions royales, le gouvernement a fini par enclencher un nouveau plan d'urgence anti-sécheresse, pour atténuer les effets désastreux d'une campagne céréalière définitivement compromise. Le chiffre annoncé se veut impressionnant: 10 milliards de dirhams à mobiliser pour un plan d'action articulé autour de trois axes.

Mais le montant qui sera effectivement décaissé en subventions se limite à 3 milliards de dirhams destinés à assurer des points d'eau pour le cheptel et à subventionner l'orge. Sauf que les quantités à distribuer restent nettement insuffisantes par rapport aux besoins réels. «Les 7 millions de quintaux d’orge qui seront distribués, rapportés aux 27 millions de têtes du cheptel national, revient à accorder 26 kilos par tête», anticipe un professionnel.

Cette fois-ci, c'est le Fonds Hassan II, le compte d'épargne de l'Etat, qui sera sollicité pour cette dépense exceptionnelle. «Il y a six ans, pour le dernier plan anti-sécheresse, le budget d'Etat avait pu supporter un décaissement de 4,5 milliards de dirhams pour des mesures quasi-identiques à celles annoncées aujourd'hui», rappelle un connaisseur du secteur.

Même le milliard de dirhams annoncé pour le plan anti-sécheresse de Mohamed Sadiki est quasi-identique à celui prévu lors du programme 2016: il couvrait déjà à l'époque le million d'hectares espéré aujourd'hui.

Enfin, le gros de l'enveloppe de ce nouveau plan anti-sécheresse provient de la mobilisation d'une enveloppe additionnelle de financement de 6 milliards de dirhams par le Crédit agricole du Maroc qui accorde, au passage, un sursis de paiement aux petits agriculteurs. Certes, il s'agit de quatre fois plus la «contribution» du CAM d'il y a six ans, mais cela peut renseigner aussi sur le niveau de surendettement des agriculteurs.

Tourisme: la facture risque d'être plus lourde

Pour permettre une relance du secteur du Tourisme, mis au chômage avec la fermeture des frontières, Fatim-Zahra Amor a aussi démarré l'année en concoctant un plan d'urgence. La responsable gouvernementale parle de cinq mesures et d'une cagnotte de 2 milliards de dirhams. Mais à voir de plus près, le montant risque d'être insuffisant. «Pour un secteur qui a vu ses recettes baisser de plus de 40 milliards de dirhams, prétendre le soutenir à hauteur de 5% reste insignifiant», nuance un opérateur.

De plus, la moitié du soutien public est une sorte de promesse difficile à tenir. Un milliard de dirhams iront aux subventions aux hôtels qui lancent des travaux d'entretien, de rénovation ou qui investissent dans la formation. «Mais si l'objectif était de favoriser un redémarrage rapide de l’activité dès la réouverture des frontières, la procédure choisie est de nature à retarder les versements, même pour les chaînes hôtelières les plus organisées», explique-t-il.

Le dépôt des dossiers auprès de la Société marocaine d'investissement touristique (SMIT), qui finance cette opération, n’est prévu que pour la mi-mars. «Les effectifs de cette entreprise publique ne pourront jamais assurer l'instruction ne serait-ce que la centaine de dossiers censés être présentés pour débloquer l'intégralité du milliard de dirhams, sachant que ces prêts sont plafonnés à 10 millions de dirhams», affirme cet hôtelier, qui rappelle que le Maroc compte 42.000 établissements d’hébergement.

De plus, le versement de l’indemnité forfaitaire de 2000 dirhams durant le premier trimestre 2022, pour les employés du secteur du tourisme devrait coûter à elle seule dans les 900 millions de dirhams, sur la base des 50.000 salariés déclarés lors de précédentes opérations. La facture pour le budget de l'Etat est par ailleurs alourdie par la prise en charge de la taxe professionnelle due par les hôteliers (2020 et 2021) ainsi que les intérêts des échéances bancaires des opérateurs du secteur.

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