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- Publication : 26 mars 2018
Annoncée il y a quatre jours par voie de presse, la candidature de Salaheddine Mezouar à la tête de la CGEM suscite l'émoi chez certains patrons qui agitent le spectre de l’instrumentalisation politique du patronat.
« Salaheddine Mezouar, candidat surprise à la présidence de la CGEM. » L’information, révélée par Atlantic Radio sur le ton de l’affirmation et aussitôt reprise par le quotidien l’Economiste le 23 mars, a agité le landerneau économique, tant le profil de l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien patron du RNI n’est pas conforme aux critères du poste. Une nouvelle qui a provoqué les protestations de certains patrons – parmi même ses proches –, qui craignent que ce « parachutage » marque ouvertement l’instrumentalisation politique du patronat. Face à la polémique, Mezouar a déclaré vendredi à l’Economiste que « pour le moment, ce ne sont que des spéculations ». Prudent, l’ancien président du parti de la Colombe ne dément pas fermement, préférant laisser planer le doute. Un ballon d’essai ?
Surprise et sourdes protestations
Sitôt annoncée, la candidature reçoit le soutien de Hammad Kassal, pourtant un des premiers candidats à la course à la présidence de la CGEM. « L’annonce de la candidature de Salaheddine Mezouar nous réjouit tous, surtout que dans notre milieu le choix du président de la CGEM s’est fait toujours par consensus », explique-t-il. Mais contrairement à ce qu’il affirme, la candidature ne fait pas l’unanimité au sein du patronat. Loin s’en faut. « J’ai entendu parler de sa candidature il y a plus de deux semaines mais je n’ai pas pris l’information au sérieux », nous confie le patron d’une entreprise, qui se dit « surpris ». « Nous sommes proches et j’apprécie ses qualités mais sa place n’est pas à la CGEM. En dehors de la personne, c’est la démarche même qui est choquante », poursuit notre source. Un autre détracteur, patron d’une grande boite, ne mâche pas ses mots : « Je suis consterné par cette nouvelle. On n’a toujours pas rompu avec ce qui a été instauré depuis qu’on a fait sauter Hassan Chami. Depuis, cette reprise en main, on fait de la CGEM une administration comme une autre », s’indigne notre interlocuteur. Un proche de l’ancien président de la CGEM, Hassan Chami ne dit pas autre chose : « Il faut dire les choses clairement, on choisit des candidats consensuels qui plaisent au pouvoir, quitte à violer les statuts de la CGEM. » C’est que la candidature de Mezouar va à l’encontre des statuts de la confédération.
Statuts non respectés
Dans l’article 7 du règlement intérieur de la CGEM, il est dit que le candidat représentant légal d’un membre direct doit « assumer les fonctions de représentant légal. » Ce qui n’est pas le cas de Mezouar. Mais ce n’est pas une première. « Mohamed Horani, dont la candidature n’était pas conforme aux statuts, avait été bombardé au dernier moment administrateur d’une filiale de l’ONA », rappelle un chef d’entreprise. Un proche de Mezouar explique que cette tradition va encore être utilisée en faveur de cette candidature-surprise : « Les statuts, ils sont obligés de les respecter, ne serait-ce qu’en apparence. Il va donc être coopté à son tour. Mais ce processus est vraiment gênant. » « A quoi servent dans ce cas les statuts ? C’est une mascarade. D’autant que tous les candidats vont devoir se retirer pour laisser le champs libre au candidat du pouvoir », dit, irrité, un proche de Hassan Chami. Pour convaincre leurs détracteurs, les partisans de la candidature de l’ancien ministre des Affaires étrangères brandissent l’argument de la diplomatie économique, notamment africaine. « L’argument qu’on avance est le rôle que joue la CGEM dans la diplomatie africaine, mais à quoi sert dans ce cas-là Mohcine Jazouli ? », s’interroge une autre source. Mais au-delà de l’argument de la diplomatie et de l’incompatibilité de la candidature avec les statuts de la CGEM, le profil lui-même de l’ancien patron du RNI fait l’objet de protestations – mais off the record.
Apolitique, vraiment ?
Apolitique, du moins théoriquement, la CGEM affirme dans ses statuts son caractère « neutre ». Placer un ancien président du RNI comme patron des patrons romprait ainsi avec le caractère « apolitique » de la confédération. « Mezouar n’est pas le RNIste moyen, c’est l’ancien patron du RNI. C’est évidemment problématique », juge un membre du patronat. « C’est comme si un ministre sous Sarkozy ou Hollande était à la tête du MEDEF en France. Ce n’est pas possible. Un patron au sein de la CGEM peut être politisé, comme Chaâbi par exemple qui ne faisait mystère de sa proximité avec le PJD, mais un patron des patrons ne doit pas être politisé », explique un responsable d’une fédération. « Ou bien on fait de la CGEM un instrument politique et on le dit clairement ou on évite ces démarches », estime de son côté un ancien responsable de la CGEM.
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