Yawatani

J’espère que quelqu’un aura la bonne idée de te consacrer un colloque en guise d’hommage.

 

Omar Mounir est mort le 16 août 2016 à Prague. Je ne l’ai appris que récemment, alerté par mon ami Belaid G. Pourquoi n’a-t-on pas parlé de Omar Mounir à cette occasion, dans son pays natal, le Maroc? Les nouvelles étaient sans doute polluées par un type qui avait plongé dans un égout ou une Kardashian locale, célèbre parce qu’insignifiante. “La mauvaise monnaie chasse la bonne”, disait Gresham. Les news sans valeur noient celles qui ont quelque substance.

J’avais beaucoup de respect pour cet homme aussi talentueux que réservé. Chaque fois que je le rencontrais, nous avions une discussion sereine et amicale sur toutes sortes de thèmes. Il était d’Essaouira, moi aussi (par ma mère) et c'était un plaisir nostalgique de manger des sardines grillées sur le port avec un ou deux peintres locaux–  Abouelouakar, par exemple, qui pestait contre le prix excessif qu’on nous demandait. Nous n'étions tout de même pas des touristes…

Juriste de formation, Omar Mounir avait d’abord été enseignant à la Fac de droit de l'Université Hassan II de Casablanca. Il évitait d’aborder cette période et je respectais ses réticences. Il s’exila ensuite en Tchécoslovaquie et devint journaliste à Radio Prague. En parallèle, il construisit une œuvre solide de romancier et d’essayiste.

Dans Nécrologie d’un siècle perdu (2002), il dénonça les maux de la société marocaine au XXe siècle. Deuxième Franncesse était une satire corrosive de la société marocaine sous le protectorat français. Moulay Brahim, le héros de ce livre, réapparaît dans Rue de la ruine– Essaouira. Dans Le poète de Marrakech, il évoqua la vie du fameux Ben Brahim. Dans un autre roman historique, il fit revivre l'étonnante aventure de Bou Hmara. Ces livres sont-ils partout disponibles? Sont-ils lus?

Qu’on me permette une touche personnelle. C’est en lisant une phrase extraordinaire de Omar Mounir que je me suis embarqué dans un projet qui a consumé deux années de ma vie et qui a débouché sur mon essai Le drame linguistique marocain. Cette phrase, la voici: “nous autres Marocains avons tendance à négliger une chose extrêmement grave: nous n’avons pas de langue.” Elle se trouve à la page 188 de Nécrologie d’un siècle perdu. Je fus d’abord saisi, puis intrigué par ces mots. Comment un peuple peut-il ne pas avoir de langue? Mounir développait un peu son idée puis passait à autre chose. Je me saisis du flambeau et ne l’ai plus lâché depuis. Oui, la question linguistique est fondamentale, peut-être existentielle, pour le Maroc. Oui, nous avons tendance à la négliger.

Adieu Omar. J’espère que quelqu’un– ton éditeur? l’Alliance francaise d’Essaouira? Dar Souiri? une faculté?– aura la bonne idée de te consacrer un colloque en guise d’hommage. Il n’est pas interdit de rêver.

le360

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