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- Publication : 6 décembre 2016
À l'occasion à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire d'octobre 1987, le roi Hassan II avait adressé un discours d'anthologie aux députés.
Jonglant tour à tour entre les référentiels religieux et politique, moderniste et traditionaliste, le roi y expose sa conception du pouvoir, et revient sur des questions plus que jamais d'actualité: rôles des parlementaires et des agents d'autorité; place du débat et de la consultation dans la politique; responsabilité personnelle et responsabilité collective.
"Vous avez entendu, à l'ouverture, psalmodier ces versets du Saint Coran. C'est moi qui les ai choisis pour qu'il nous soit permis d'entendre cet ordre de Dieu à son apôtre: 'Et consulte-les dans les affaires'", ébauche Hassan II face aux parlementaires.
"Dans un autre verset du livre de Dieu", poursuit le souverain, "le Très Haut dit des croyants: 'Et leurs affaires sont l'objet de leurs débats'. Que Dieu veuille me permettre de faire un humble effort d'interprétation. Les deux versets que je viens de citer n'ont pas la même signification. A mon avis, il y a deux sortes de consultation: la consultation socio-morale et la consultation politique".
Et Hassan II d'entrer dans le vif du sujet: "Quand il est décrété que leurs affaires sont l'objet de leurs débats, il est entendu par affaires, leurs problèmes, les questions qui appellent une commune réflexion que ce soit au niveau local, à l'échelle de la région ou de la ville ou même sur le plan du voisinage. Ils (les croyants) engagent un débat sur ce qui les préoccupe, se consultent, se concertent. Ainsi la responsabilité, initialement circonscrite dans un quartier ou une cité, devient responsabilité collective par la vertu de la "Choura". le verset révélé sous forme d'ordre "Consulte-les" cristallise, traduit la démocratie politique. Telle est ma manière de comprendre les deux versets. Dieu soit à Mon égard indulgent si J'ai commis quelque erreur d'interprétation".
"Les agents d'autorité doivent s'interroger sur les mobiles philosophiques de l'auteur d'une loi"
"Comment ne réussirons nous pas notre vie constitutionnelle et démocratique alors que nous sommes ce peuple musulman éduqué dans la Choura morale et formé à la Choura politique?", se questionne le roi.
"Ainsi qu'il en est de tout autre concept, la démocratie, pour être pleinement vécue, pour réussir, pour se développer, pour être maintenue dans ce pays, doit être une démocratie aussi bien de fond que de forme. Il serait vraiment périlleux que nous nous en tenions à la forme et négligions Ie fond, la philosophie et les objectifs de la démocratie", ajoute le souverain, pour qui "l'esprit démocratique doit animer chacune des composantes de la société marocaine et chaque citoyen qu'il soit représentant, ministre, juge, agent d'autorité".
Et de s'adresser spécifiquement aux agents d'autorité. Pour le monarque, "les agents d'autorité, à quelque niveau que ce soit, se doivent de donner l'exemple lors de l'exécution des programmes, en se posant constamment cette question: qu'a voulu le législateur? et une autre --Dieu me pardonne-- : quelle est la raison de la révélation de tel précepte? Il est nécessaire que les agents d'autorité s'interrogent sur les mobiles philosophiques de l'auteur d'une loi, l'initiateur d'un règlement. Ce débat intime facilitera ultérieurement le dialogue entre le législateur et l'exécutant, entre le ministre et le représentant, enfin entre routes les instances responsables de ce pays".
"Messieurs", reprend le roi, "vous savez que nous avons franchi de grandes étapes, mais aussi que nous avons fait des pas imperceptibles. Mois ceux-ci comme celles-la peuvent aisément refléter la réalité vivante que voici: aucun Marocain ne serait en droit de dire; "je ne suis pas responsable"".
"Ainsi, il doit en être pour l'avenir", martèle le souverain. "La démocratie n'est pas tant ce qui se décide dans l'enceinte de votre assemblée ou a l'échelle gouvernementale. Elle est avant tout le sentiment qu'a chacun de nous de pouvoir assumer une part de responsabilité aussi infime soit-elle dans l'œuvre collective. La responsabilité personnelle est d'une grande noblesse. C'est elle qui nous a enseigné l'humilité, qui nous a incités a l'autocritique et qui nous a appris, à chacun, à nous mettre a la place de notre interlocuteur pour mieux connaitre ses aspirations et son idéal".
"Des motions d'importance seront toujours prises en compte par moi, jamais délaissées"
"J'ai dit et je répète que pour moi, humble serviteur de Dieu et premier serviteur du Maroc, il n'y a pas à dire vrai de 'séparation de pouvoirs': je suis le père de tous, celui du législateur et de l'exécutant, du jeune et de l'homme âgé, du fort et du faible", lance le souverain aux parlementaires.
"J'attends depuis que le Parlement a commencé à fonctionner, chaque jour que vous m'adressiez, ne serait-ce qu'une ou deux fois par an, une motion, comme le fait le ministre qui prend l'initiative d'une rencontre avec moi pour me soumettre telle ou telle question", regrette le souverain. "Je vous ai toujours dit: ma porte est ouverte. Mes bureaux sont accessibles. Des motions d'importance seront toujours prises en compte par moi, jamais délaissées.
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