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  Le mois du Patrimoine au Maroc coïncide avec la Journée internationale des
monuments et des sites promue le 18 avril par l'UNESCO, puis celle des Musées
célébrée le 18 mai. 

«Notre devise est de sensibiliser la population à son histoire et à son identité»

 Interview • Abdellah Salih, directeur du patrimoine culturel 

Le MATIN : Du 18 avril au 18 mai est le mois du Patrimoine au Maroc. Ces deux dates coïncident respectivement avec la Journée internationale des monuments et des sites promue le 18 avril par l'UNESCO, puis celle des Musées, le 18 mai. Qu'avez-vous prévu pour cette double célébration ?

ABDELLAH SALIH: Effectivement, nous avons préparé tout un programme d'activités tant au niveau central que régional. Par exemple, au niveau de la capitale, nous avons prévu une activité phare dont l'ouverture s'est déjà effectuée à Fès, puis s'est déplacée à Essaouira. Il s'agit d'une grande exposition itinérante « Qantara » du patrimoine méditerranéen partagé qui voyagera ensuite dans plusieurs villes du Royaume, notamment Marrakech, Tanger et enfin Rabat. Dans le cadre de ce mois, une rencontre avec les professionnels du patrimoine fera partie du programme afin de mettre en relief des techniques très poussées pour le diagnostic et la restauration des sites et monuments. Nous avons aussi réalisé, dans ce contexte, un partenariat avec le ministère de l'Education nationale afin d'institutionnaliser notre patrimoine. C'est-à-dire que la visite des musées ne sera plus pour les élèves une excursion pour se divertir, mais un cours officiel où ils seront notés par la suite en classe. A travers cette politique culturelle, nous espérons atteindre notre but, car nous comptons beaucoup plus sur les générations futures pour valoriser leur patrimoine, en se sentant enracinés dans leurs sites et monuments. D'autres rencontres-débats sont envisagés pour connaître les attentes et les aspirations du public concernant son patrimoine. Notre devise est de sensibiliser la population à son histoire et à son identité.

Y a-t-il une planification, à long terme, adoptée par votre ministère pour la classification et la restauration des sites et des monuments marocains ?

Il faut savoir que le patrimoine marocain du point de vue quantité est énorme, alors que le budget alloué au ministère de la Culture est très faible et ne peut pas faire des miracles tout de suite. Mais, je suis plutôt optimiste, parce que j'ai remarqué qu'il y a une prise de conscience qui commence à gagner du terrain dans ce domaine que ce soit au niveau des communes, des autorités locales ou des ONG. L'argent seul ne peut pas faire l'affaire. Il faut, également, une conscience générale. Cela veut dire que nous pourrons surmonter les problèmes du patrimoine dans l'avenir si nous arrivons à faire investir toute la population. Pour le classement, il y a plusieurs missions qui s'effectuent tout au long de l'année ainsi que beaucoup de chantiers de restauration de sites et monuments qui en avaient vraiment besoin.

Quelle est la position du ministère de la Culture au sein du projet d'aménagement de la Vallée du Bouregreg ?

Notre collaboration avec l'Agence d'aménagement de la Vallée est très fructueuse et s'articule autour des sites et des monuments de Rabat-Salé comme la Kasbah des Oudayas et Chellah. Les travaux sont entamés pour certains sites. Par exemple, pour les Oudayas, la restauration des murailles est déjà finalisée. Pour le Chellah, c'est pour bientôt. La restauration des murailles de Salé a aussi commencé depuis quelque temps. Il faut dire que la collaboration avec M. Essakel est très positive, et les résultats sont là. Nous sommes en relation continue à travers des réunions qui portent toujours leurs fruits.

A l'occasion de la Journée internationale du Patrimoine, l'Institut français de Casablanca organise une journée portes ouvertes dans dix monuments de la métropole. Une bonne initiative, dont le ministère de la Culture est l'un des partenaires, pour faire connaître des trésors que beaucoup ne se rendent pas compte de leur vraie valeur. Est-ce que votre département prévoit aussi des prestations de ce genre ?

Notre politique a toujours été de pousser les gens et de les encourager à connaître leur patrimoine qui doit faire partie de leur éducation. Ainsi, à chaque fois qu'il y a une demande d'une association ou d'une école pour la visite des sites, nous leur fixons des prix d'entrée très symboliques et des fois mêmes, nous leur cédons la gratuité. Ceci est valable aussi pour le touriste étranger qui vient au Maroc. La première chose qu'il visite, ce sont nos sites, nos musées,…. Cela veut dire que le pays a une histoire et un passé glorieux. Si nos monuments l'impressionnent, il peut s'intéresser par la suite à nos traditions, nos coutumes, notre art culinaire... Il repartira, ainsi, avec une idée claire et positive sur notre pays.

Où en est arrivé le projet de revalorisation de la place Jamaâ El Fna, mis en place par l'UNESCO ?

La place est classée patrimoine universel immatériel par l'UNESCO.
Le classement est un label important et un engagement que l'Etat marocain doit respecter. Mais, il faut savoir que le cas de Jamaâ El Fna est bien particulier. C'est un lieu qui doit rester intact. Ce qu'il faut, c'est empêcher qu'il y ait des infractions aux abords de la place. La seule chose qui nécessite une intervention se situe au niveau des conteurs et de leur vie sociale, afin d'assurer la transmission aux générations futures. Sinon la place doit garder ses couleurs, ses odeurs et sa chaleur qui attirent les touristes nationaux et ceux du monde entier.

Le Patrimoine marocain continue d'être pillé que ce soit par des nationaux ou des étrangers. Que fait le ministère pour arrêter cette hémorragie ?

Le trafic illicite des biens culturels, en général, est un phénomène international. Cela se passe aussi bien en période de paix comme de guerre. Tout le monde est concerné : L'Interpol, les instances des Nations unies qui s'occupent du patrimoine, le ministère de la Culture, la direction des Douanes.... Depuis, que je travaille au ministère de la Culture, je ne sais plus combien de journées d'étude, nous avons organisées sur ce sujet. Chez nous, il y a ce trafic. Mais son ampleur n'est pas aussi alarmante, parce qu'il y a la loi 22-80 qui couvre certains biens. Le problème qui reste posé est celui de l'inconscience. On a beau élaborer des lois et des sanctions, mais si le citoyen n'est pas conscient du crime qu'il fait, on ne pourra jamais éradiquer ce fléau. Mais si la fuite ne dépasse pas les frontières, on peut remédier au problème en rachetant ces biens culturels. Puisque le ministère ne peut pas supporter ces rachats par manque de budget, c'est une occasion pour lancer un appel auprès des institutions privées, des fondations, des mécènes pour le faire afin de récupérer nos trésors.

Que pensez-vous de la loi 22-80 qui régit le trafic des biens culturels ?

Cette loi a fait son temps. C'est le moment de la modifier, de la compléter ou bien carrément d'élaborer une nouvelle loi. Ce n'est pas l'affaire du ministère uniquement, mais de toutes les instances concernées. Pour cela, il faut un consensus national pour décider d'une loi complète et globale pour tous les biens culturels.


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Titulaire d'un doctorat en Préhistoire et d'un D.E.A. en Sciences préhistoriques à l'Université de Provence, Aix- Marseille I, Abdellah Salih a occupé plusieurs postes de responsabilité au ministère de la Culture, dont celui de directeur du patrimoine culturel qu'il exerce depuis fin mars 2007. Il a à son actif diverses publications à travers lesquelles il met en relief ses recherches approfondies dans son domaine de spécialisation, que ce soit au niveau du patrimoine rupestre au Maroc, de la coiffure pendant la préhistoire, du Jardin des Hespérides, de l'art pré- et protohistorique au Maroc et d'autres sujets qu'il a traités avec beaucoup de professionnalisme et de savoir-faire. Abdellah Salih est aussi un grand conférencier qui a la réputation de bien maîtriser ses dossiers.


Par Ouafaâ Bennani , LE MATIN 
 

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