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Le Comptoir des Mines de Marrakech accueille l’exposition personnelle de Mustapha Akrim « Chantier II », avec laquelle l’artiste rend hommage au monde ouvrier.

 

Le jeune artiste originaire de Rabat et diplômé de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan investit la mémoire collective du monde ouvrier qu’il inscrit dans une mémoire plus intime et personnelle. Ce n’est pas seulement l’iconographie ouvrière –  qu’elle fût liée à l’artisanat, au monde agricole ou aux travailleurs manuels – que le plasticien explore, mais aussi les vestiges d’un monde en train de disparaître.

La visite débute tambour battant au hangar du Comptoir des Mines qui accueille – et tel fut bien le dessein initial de son fondateur Hicham Daoudi passionné du travail de Mustapha Akrim, qui voulut très tôt redonner à ce lieu le prestige qui avait été le sien – une série de bas-reliefs coulés dans le béton qui raconte une histoire du mouvement ouvrier marocain : un mineur en béton noir rappelle l’iconographie des années 40 ; une trieuse d’oranges évoque, pour les plus anciens, un billet de dix dirhams en circulation dans les années 80.

Puis les figures disparaissent des bas-reliefs cédant la place aux machines à phosphate et autres outils emblématiques du monde ouvrier pour dire à la fois une déshumanisation croissante du métier et une automatisation devenue aujourd’hui exponentielle. Au centre du hangar, trône une immense sculpture composée de burins gigantesques qui ont été délibérément tordus. Intitulée « Accident », cette œuvre fantastique n’est pas sans évoquer l’image du progrès dont parlait Victor Hugo, donnant une âme à la machine et l’enlevant à l’homme.

Mustapha Akrim avait posé les premières pierres d’un musée de l’ouvrier lors de l’exposition « Volumes fugitifs » organisée au musée Mohammed VI de Rabat, en 2016. On retrouve dans les différentes salles d’exposition de la Galerie, dans l’immeuble jouxtant le hangar, placés sous des vitrines qui rappellent la présentation muséale des institutions archéologiques, des outils emblématiques du monde ouvrier tels que des pioches, pieds de biche ou casques de chantier coulés dans le béton, mais aussi des objets plus intimes : radiocassette, table d’ouvrier ou autres vêtements. Auteur de la somptueuse plaquette de l’exposition, Alexandre Colliex analyse les échos entretenus par le travail de l’artiste avec l’histoire des arts : « Le béton pétrifie. Il confère à la bouilloire le prestige d’une poterie pompéienne. Et le titre de musée donné à l’installation dit assez la volonté d’anoblir ces fragments, de les répertorier.»

Les dessins représentant les tenues de travail des ouvriers, lesquels brillent par leur absence, rappellent les draperies antiques ou celles de la Renaissance. Les tissus coulés dans un béton, qui pétrifie et conserve à la fois, évoquent les sculptures majestueuses d’un Rodin. À l’heure où de nombreux artistes ne jurent que par la vidéo et la dématérialisation de leur pratique, Mustapha Akrim accomplit un geste paradoxal transcendant les époques. S’il témoigne de son attachement à la matérialité et à la noblesse d’un monde ouvrier en pleine métamorphose, il a aussi le regard tourné vers un avenir qui aurait davantage que nous le souci de pérenniser l’iconographie ouvrière.

Archiviste du travail, archéologue de la vie ouvrière, poète sensible aux traces laissées par les objets acquérant le statut de vestiges, Mustapha Akrim rend à la fois hommage aux temps anciens, et nous invite à regarder les chantiers d’aujourd’hui avec bienveillance voire admiration : « Si la sacralité d’objets et outils anciens témoins d’anciennes civilisations n’est plus à remettre en cause, ajoute Alexandre Colliex, pourquoi contester aujourd’hui celle des ouvriers actuels qui construisent sans cesse de nouvelles civilisations ? »

Avec cette exposition hors norme, le Comptoir des Mines se présente comme un lieu devenu incontournable de l’art contemporain au Maroc. Son gérant, grand amateur d’art et fondateur de la CMOOA (Compagnie Marocaine des Œuvres et Objets d’Art), ambitionne de faire émerger de nouveaux talents et de présenter leurs travaux dans les plus grandes manifestations internationales d’art contemporain. Souhaitons à Mustapha Akrim de voir sa cote grimper toujours plus haut : l’humilité de son approche l’honore, la puissance évocatoire de ses sculptures, dessins et photographies nous élève !

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