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Reportage dans le temple du nucléaire marocain, le centre de la Mâamora, qui dispose de son propre réacteur, et aux mesures de sécurité draconiennes.

Vérification des cartes d’identité, chiens renifleurs autour des voitures, portiques, puis empreintes digitales, dosimètres et contrôles de radiation à la sortie : bienvenue au centre de recherche nucléaire de la Mâamora. Ouvert en 2003, le Centre national de l’énergie des sciences et des techniques nucléaires (Cnesten) est l’antre du nucléaire marocain. Située entre Salé et Kénitra, la Mâamora s’étend sur 25 hectares, cerclés de caméras de vidéosurveillance.

Un centre hyper-sécurisé

Si le lieu ne produit pas (encore ?) d’énergie nucléaire, étant seulement destiné à la recherche, il possède bien un réacteur, ce qui en fait un endroit ultra-sécurisé. Tout est mis en œuvre pour contrôler les entrées, protéger l’environnement et la santé des travailleurs. Sur les 260 personnes salariées, plus de 40 travaillent d’ailleurs au service sécurité et sûreté. Et une équipe est également chargée du contrôle de l’impact du centre sur l’environnement. Chaque année, elle doit rendre un rapport après analyse de prélèvements d’eau, du sol et de la végétation réalisés dans un périmètre de 20 kilomètres autour du centre. Aucun changement n’a encore été relevé.

Pour accéder à la salle du réacteur ou aux zones de production dites « vertes », les chercheurs doivent être équipés d’un dosimètre leur permettant de vérifier leur exposition aux radiations. Ils possèdent un quota annuel : s’il est dépassé, ils sont alors privés d’accès. Le centre est même doté de laboratoires chargés de contrôler… l’efficacité des dosimètres ! Enfin le centre possède une machine (il n’en existe que deux sur le continent) capable de diagnostiquer une radiation interne. Mais jusqu’à présent, aucun salarié du centre n’a été concerné.

Au cœur du réacteur

Des contrôles contraignants à réaliser plusieurs fois par jour, mais qui leurs paraissent « normaux », nous confie Aziz Fellaoui, chef du service application des sciences du vivant. Son équipe est chargée de ce qu’on appelle communément la médecine nucléaire. Pour le moment, ils ne produisent rien et sont en phase de développement. Mais ils ont vocation à se « substituer à l’importation et produire des génériques localement », nous explique le chercheur. En ce moment, ils travaillent par exemple sur l’iode 131, capable de diagnostiquer et traiter le cancer de la thyroïde. Mais les travaux de recherche demandent énormément de temps.

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Dans la pièce où se trouve le réacteur, l’obscurité et les bruits sourds contrastent avec le reste du centre et ses extérieurs (où un calme quasi-absolu règne), ce qui donne encore plus une impression de danger… en tous cas pour un non-initié. Le cœur du réacteur se trouve dans une sorte d’immense puits. Pour réaliser leurs manipulations, les scientifiques y accèdent donc par une passerelle. Le réacteur est activé en fonction de la demande (une trentaine de fois en 2014). La semaine passée, il a fonctionné pendant toute une semaine, sept heures par jour. Si Driss Ryach, en charge du réacteur, nous rassure d’un « Je n’ai pas peur, cela fait plus de vingt ans », le spécialiste passionné est quand même fier de nous montrer, tel un petit garçon, la photo qu’il a prise avec tout son attirail lors de la réception de la cible (masque à gaz, écrans etc.).

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Face à la passerelle : la salle de contrôle, d’où l’activité du réacteur est pilotée. Plusieurs outils ont les mêmes fonctions, juste au cas où l’un d’entre eux défaillirait. Aussi, tous les jours, Driss Ryach simule un tremblement de terre en tapant sur un boîtier, pour vérifier si le réacteur s’arrête bien lors de secousses sismiques.

En finir avec l’image négative du nucléaire

C’est que − plus encore depuis le drame de la centrale de Fukushima, provoqué par un tremblement de terre et un tsunami − le nucléaire fait peur. Dans une autre salle, nous rencontrons des lycéens venus d’El Jadida pour découvrir le centre. « C’est quelque chose de dangereux », « cela permet de produire de l’énergie », répondent des lycéens à la question « Qu’est-ce que le nucléaire ? » posée par Taïb Marfak, responsable de la communication, qui peine à dévier le cours de leurs questions sur les négociations sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran. Pour lui, il est essentiel de faire connaître le centre et de lutter contre l’image négative que peut avoir le nucléaire dans l’imaginaire collectif. Le centre reçoit chaque année plus de 1 500 jeunes, auxquels il tente d’expliquer que « le nucléaire est utile pour le développement socio-économique d’un pays » et que « oui, le nucléaire est dangereux, mais maîtrisable ». On ne le sait pas forcément, mais la radioactivité n’est pas utilisée que pour produire, elle permet aussi d’analyser. Par exemple, certains industriels l’utilisent pour contrôler l’efficience de leurs raffineries. Dans le centre, les chercheurs l’emploient également pour étudier les nappes phréatiques ou la fertilité des sols.

De la production d’électricité pour bientôt ?

Autre rôle du centre : coopérer avec la Défense afin de gérer une attaque éventuelle avec source de rayonnement. En 2013, une attaque du port de Tanger-Med a été simulée, et le service sécurité et sûreté de la Mâamora était de la partie.


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La production d’électricité d’origine nucléaire n’est pas encore dans l’agenda à court terme du gouvernement. Mais le ministre de l’Énergie, Abdelkader Amara, a évoqué il y a quelques semaines une production à l’horizon 2030. Le centre a donc là aussi un rôle à jouer : « Nous avons un rôle de formation. Le centre prépare les ressources humaines nécessaires à un programme électronucléaire », nous explique Taïb Marfak, sans donner plus de détails.

Traitement des déchets radioactifs

Enfin, qui dit nucléaire, dit déchets à traiter. Il faut là distinguer les petits déchets, les sources usées issues des utilisations médicales et industrielles, du combustible nucléaire usé, issu de la production. Les premiers sont condensés puis stockés. Les seconds ne sont pas encore assez importants mais leur gestion sera le cas échéant déléguée à un sous-traitant américain ou français. « Mais ce sera dans des années », nous précise Driss Ryach, en charge du réacteur.

Le Cnesten est doté d’un budget de 70 millions de dirhams par an, principalement destiné aux charges salariales, et qui ne comprend pas le remboursement des crédits accordés par la France et les États-Unis pour la construction du centre. Mais il a aussi une vocation commerciale, et génère ainsi environ 13 millions de dirhams de recettes par an. Il les gagne notamment à travers la gestion des déchets de médecine nucléaire, ou la formation du personnels côtoyant les scanners dans les aéroports.

Telquel.ma

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